Je ne supporte plus mon enfant
Peux-t-on dire « j’en peux plus » quand je suis mère sans se faire crucifier? Pas sûre…
« Est-ce qu’il y a d’autres mamans qui ne supportent plus leur enfant? »
Je suis tombée sur ce post en scrollant un jour, paumée sur un groupe Facebook de mamans.
Évidemment, ces mots, ils m’interpellent.
Alors je déroule les réponses qu’elle a reçue et… je n’ai pas été déçue (enfin, si. Justement.)
Je ne sais pas pourquoi je retourne toujours sur Facebook. Un vieux réflexe qui a la dent dure sûrement. N’empêche que ça m’arrive encore régulièrement, et que je fais partie de deux groupes de mamans.
Et ces groupes, vous savez, c’est un peu la jungle. Entre des pseudo-experte en allaitement, les Tata Josiane qui critiquent tout, et les élans de bienveillance sincères, mais trop peu nombreux, c’est à prendre… et souvent à jeter.
N’empêche que parfois je tombe sur des posts qui me fendent le coeur. Et celui là n’a pas échappé à mon petit coeur de guimauve :
« J’aimerais savoir s’il y a des mamans qui ne supportent plus leur enfant? Parce que moi j’ai des chiens qui mettent des poils partout, une maison à nettoyer H24, un boulot qui me prend tout mon temps, des repas à préparer, … Alors l’entendre m’interpeller sans cesse en fait j’en peux plus ».
Devant la fatigue et le ras le bol manifeste de cette maman, je décide de dérouler les commentaires pour voir ce qu’il s’y passe. Et c’est très simple, c’est la guerre.
« Pauvre enfant »
« Je comprends que tu sois fatiguée mais tu peux pas dire ça de ton enfant »
« Fallait pas faire des enfants si on n’est pas capable de s’en occuper »
« N’écoute pas les mères parfaites, on en a toutes marre de nos gosses »
Autant les commentaires de Tata Josiane je les voyais venir, autant le malaise que m’a provoqué cette petite guerre m’a totalement déstabilisée.
La réalité de la maternité
Alors déjà, peut-on deux secondes se mettre à la place de cette pauvre maman (qui a eu la présence d’esprit de publier en anonyme (mais pourquoi doit-on en arriver là?!)), qui fait part d’un vrai mal-être, d’une vraie pensée, sans tabou, qui ne se sent pas normale, qui demande du soutien et se retrouve face à… tout et rien?
Face aux injonctions, face aux critiques, face au rabaissement, bref. Ca n’a pas du beaucoup l’aider tout ça. Et même pire. Elle a du se sentir tellement nulle, se confirmer à elle-même qu’elle avait un problème, se dire et se répéter qu’elle était une mauvaise mère, qu’elle n’était pas normale.
Évidemment, le premier problème que cela pose c’est la solitude dans laquelle ça enferme les mères, qui du coup, n’osent plus dire ce qu’elles pensent vraiment. Au risque de se voir rétorquer « pauvre enfant, sa mère ne l’aime même pas ». C’est violent.
Et là, il y a un deuxième problème qui me saute aux yeux : alors que la mère exprime clairement ses difficultés, on plaint l’enfant.
« Pauvre enfant de ne pas avoir une mère aimante et disponible a 200% pour lui ». Vous le sentez le poids de l’éducation positive et du maternage proximal? On doit répondre aux besoins de l’enfant à tout moment, on doit être disponible pour son enfant quelques soient les conditions, on doit l’aimer inconditionnellement, on doit s’oublier pour vivre pour lui.
Les besoins de la mère sont totalement invisibilisés. On confond ici rejet de l’enfant et surcharge maternelle. Évidemment qu’elle n’en peut plus de son enfant: sa tête est sur le point d’exploser, elle est épuisée, elle n’a sûrement pas une seule seconde pour elle, elle est débordée. ÉVIDEMMENT que dans ces conditions avoir un enfant qui nous sollicite c’est irritant !
Donc cette femme, qui a eu le courage de faire part de ses ressentis se retrouve mise au pilori, jugée et critiquée. Quelle violence.
Mais elle n’a pas été la seule. Parce que pour qu’il y aie une guerre, il faut deux camps…
“Choisis ton camp”
D’un côté nous avons « le club des mamans parfaites », celles qui s’indignent qu’on peut dire ça de son enfant, celles qui lui murmurent que ce n’est qu’une question d’organisation, celles qui disent « je comprends que tu sois fatiguée, mais tu ne peux pas dire ça ».
Mais de l’autre côté qui avons-nous? Les mères indignes évidemment. Celles qui comprennent, qui valorisent sa parole mais… en dévalorisant les mères parfaites.
Et ça là, c’est ça qui crée le malaise chez moi.
Pourquoi? Déjà, je ne fais partie d’aucun des deux clans. Je suis intimement persuadée qu’il est fondamental de répondre aux besoins de l’enfant de manière adéquate, mais je suis également persuadée qu’il est fondamental de répondre aux besoins de la mère de manière adéquate! Je fais partie du clan des bisounours qui croit que tout le monde peut être heureux et épanoui.
Mais surtout, SURTOUT, pourquoi est-on toujours obligés de se descendre entre femmes? Pourquoi est-ce qu’on finit toujours par se tirer dessus entre mères ? Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas entendre la souffrance d’une femme sans dégainer le jugement ou le sarcasme ?
On nous a appris à nous méfier les unes des autres. À nous juger, nous comparer, nous classer. À oublier qu’on vit toutes sous le même poids. Merci le patriarcat. Les hommes n’ont plus besoin de nous juger, on le fait tellement bien entre nous.
Sororité mon cul.
Et si, on arrêtait de toujours devoir se rabaisser les unes les autres pour juste accueillir nos expériences et nos émotions à chacune? Est-ce que une seule d’entre nous peut se permettre de juger cette maman? Est-ce qu’une seule d’entre nous peut se permettre de juger une maman qui se sent heurtée par ses propos? On a toutes des sensibilités différentes, des valeurs, des quotidiens, des expériences différentes. Est-ce que le féminisme ne commencerait pas par arrêter de décrédibiliser la parole et les ressentis des autres femmes?
Est-ce une mauvaise mère ?
Non.
Ce n’est pas une mauvaise mère, elle est à bout.
Cette mère elle parle de l’épuisement, de la charge mentale, de la charge domestique, de la charge éducationnelle, du manque de relais, du manque de soutien, du manque de compréhension, de la solitude, des désillusions, des injonctions, des attentes trop élevées… et on la rabaisse encore un peu plus.
Saviez-vous que le suicide est la première cause de mortalité chez les jeunes mères? La première. Peut-être qu’il est temps d’écouter non?
Alors non, dans aucun cas ce n’est une mauvaise mère, c’est une mère écrasée par le poids du quotidien.
Et si toi aussi tu te reconnais ?
Si tu t’es reconnue dans le post de cette maman, sache que tu n’es pas seule, tu n’es pas anormale, et surtout, tu n’es pas une mauvaise mère.
On passe toutes par des moments, plus ou moins longs, pendant lesquels avoir un enfant est « trop ». C’est la goutte de trop des choses qu’on n’arrive plus à gérer. Et c’est ok. Ce n’est pas de ta faute.
Il n’y a pas de recette magique pour sortir de cette situation. J’aimerais t’offrir une formule qui fera que forcément tu réussiras à t’en sortir, mais je la connais pas. Mais déjà, commence par prendre conscience que ce n’est pas toi le problème, c’est tout ce que les autres et la société attendent de toi. Commence, un pas après l’autre, à trouver des soutiens, à lâcher prise (seulement une fois que tu sais que des relais solides sont en place), et enfin à respirer.
Et si tu te sens seule, tu peux rejoindre le Boom Mama Club, ici je te laisserais toujours t’exprimer vrai, sans jamais te juger, sans rabaisser ta parole et sans te pointer du doigt. Un groupe whatsapp gratuit est ouvert durant tout l’été, ne reste pas seule.
Si tu dois retenir une chose
Tu peux exister en dehors de ta maternité.
Tu peux vivre en tant qu’individu à part entière, et remettre tes besoins au centre.
On peut se soutenir entre mères plutôt que de se juger. Oui à la sororité, la vraie.
Tu n’es pas née pour t’oublier.
Ta liberté commence là où tu te choisis.
Bienvenue dans le club des femmes qui refusent de s’effacer.